Le monstre de Kiev : l’horreur du goulag
Lorsque j’ai lu les premières pages du livre de Sylvain Johnson, Le monstre de Kiev, j’ai passé très proche de ne pas être capable de continuer. La lecture est vraiment difficile à supporter : l’atmosphère est lourde et inquiétante dans le bloc appartement mal entretenu, l’auteur dépeint une URSS des années 30 dysfonctionnelle, pauvre, où les habitants sont laissés à eux-mêmes, se dénonçant, se nuisant les uns aux autres… L’horreur et la brutalité de l’action ont failli me faire flancher. Quand ce sont des histoires de violence et d’abus avec des enfants, je trouve ça très éprouvant à lire. Fort heureusement, ou non, je me suis vite retrouvée avec le héros, Grigori Tarkovski, au goulag, dans le fin fond de la Sibérie.
Le lecteur suit alors, dans la deuxième partie, la descente aux enfers de Grigori, faussement accusé de la séquestration et du viol de Svetla, une jeune voisine d’une dizaine d’années. Que ce soit vrai ou non, une fois au goulag, on comprend rapidement que les prisonniers sont considérés comme morts, car personne n’en revient jamais. Grigori, surnommé une première fois «le monstre de Kiev» à cause de son «crime», est envoyé au camp de Kolyma, difficilement accessible, où personne n’a envie d’aller, à un point tel qu’ils utilisent certains prisonniers pour devenir gardiens de prison.
Sylvain Johnson nous en montre de toutes les couleurs: torture, famine, conditions de vie exécrables, viols, meurtres, etc. Grigori se retrouve à monter en grade, jusqu’à devenir le commandant du camp, où il sera une fois de plus gratifié du surnom «monstre de Kiev», mais cette foi-ci, à cause de sa cruauté.
Lors d’une scène à la limite de l’insoutenable alors que Grigori est assistant du commandant, il doit tuer tous les bébés du camp pour cause de famine. Il les jettera dans une mine, là même où on l’avait enfermé pour lui faire peur et où il avait rencontré des fantômes assez habilement décrits. C’est lors d’une rébellion des prisonniers, quand il occupe le poste de commandant, qu’on lui fait comprendre que ce n’est pas lui le pire, qu’il y aurait une menace encore plus grande dans la forêt. C’est en menant son enquête qu’il découvrira que les enfants qu’il a abandonné dans la mine ont peut-être survécu à la chute…
Malheureusement, il y a deux problèmes dans ce livre-là qui font qu’il est un peu décevant de s’embarquer dans une longue histoire de quelque 450 pages.
Le contrat de lecture
L’auteur s’engage dans un contrat de lecture très important avec son lecteur, et c’est lui qui décide où il l’emmène. C’était captivant le camp de la mort en Sibérie, le gentil petit garçon accusé faussement du meurtre atroce d’une jeune fille qui devient un vrai monstre dans la prison. C’est une superbe descente aux enfers… qui finit à la page 285. Et là, on nous annonce un retour au début de l’histoire. J’ai lâché là, ça m’a pris un peu de temps à m’en remettre, je ne voulais pas que ça se termine comme ça la partie du goulag, j’avais trop de plaisir. Et c’est bien dommage car, la partie suivante du roman n’est pas du tout à la hauteur de la première.
Les personnages
J’aurais aimé un peu plus de réalisme dans les dialogues et un peu plus de profondeur chez les personnages. Grigori, par exemple, est un peu vide, comme s’il n’y avait pas de Grigori avant l’histoire. Il est seul, pas de famille, pas d’amis, pas de passé! Le protagoniste est peu développé, donc on ne s’attache pas à lui, on fait juste le regarder, c’est comme une page blanche qui s’écrit sous nos yeux. Je préfère quand on a l’impression que les personnages ont une vie à l’extérieur du livre.
Le monstre de Kiev est, malgré ses petits défauts, un bon roman. J’ai même eu du mal à m’arrêter de lire. Je l’ai dévoré en quelques jours seulement; c’est cruel, c’est dégueulasse, le lecteur devient vraiment voyeur et attend les prochaines horreurs du «monstre de Kiev», animé d’une curiosité morbide.
Pour en savoir plus sur Le monstre de Kiev et son auteur, consultez notre entrevue avec l’auteur Sylvain Johnson!
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